I'M A GONER ► misaac, cosaac

J

e pris la bouteille a mes pieds et en avala un peu de son liquide. J'avais chaud, affreusement chaud. Et pourtant la clim était allumée et j'aurais cru même apercevoir quelqu'un avec un petit pull dans le fond. La lumière était éteinte sur la petite scène du Cheeky mais j'avais déjà l'impression qu'un million de personne me scrutait dans le pénombre. Tapis tel des monstres, ils semblaient me chercher, prêts à me juger. Je passais mon doigt dans l'encolure de mon tshirt, pour un faire passer un peu d'air. Mais pourquoi je fais ça déjà ? J'étais bien dans mon coin à jouer de la guitare sans ambition. Je suis pas cool. Je suis pas cool, je suis pas cool putain.

Je vois le serveur me faire un signe et j'attrape ma guitare. Inspire, expire. Je m'assois, rapproche le micro et ferme les yeux. Il est temps de sortir de ta zone de confort ils ont dit. Ptain de bordel de cul de merde. J'ouvre un oeil, la lumière vient progressivement sur la scène. Les gens me regardent. Dis un truc. « Bonsoir. » Raclement de gorge. Inspiration, expiration. Mes doigts courent le long de l'instrument pour se placer naturellement. Premiers accords. Je souris, m'approche du micro et fixe un point au fond de la salle. « I'm a goner. »

window blues

Cosima ne se souvenait plus comment l’information lui était montée aux oreilles, mais elle avait entendu parler d’un ‘concert’ dans un petit bar de Bryon Bay. Surement du bouche à oreille et elle avait décidé d’entraîner avec elle la jolie petite Mina, qu’elle avait rencontrée lors de cette soirée d’halloween qu’elle avait particulièrement détestée sur la fin. Elle aurait pu emmener Dash avec elle, mais elle n’avait pas eu de nouvelles depuis quelques jours et cela faisait quelques mois qu’elle n’avait pas de nouvelles de Ted qui semblait avoir totalement disparu de la surface de la terre. Elles étaient toutes les deux arrivées quelque temps après le début du concert, alors elles avaient loupé les « magnifiques » salutation du chanteur. Néanmoins, lorsqu’elles pénètrent dans le bar, c’est sa voix qui les encercla doucement et Cosima fut profondément et agréablement surprise. Sa voix était magnifique, elle se tourna alors vers Mina avec un large sourire. « Alors, on a bien fait de venir, non ? » Un large sourire pris place sur ses lèvres, et elle chercha rapidement une place où elle pourrait s’installer, avant de pouvoir commander. Mais malheureusement toutes les tables étaient prises, alors, elle dû tirer son amie pour qu’elles aillent toutes les deux s’installer sur les tabourets du bar. « Qu’est-ce que tu veux boire ? » Demanda rapidement l’écrivaine en écoutant seulement d’une oreille distraite la magnifique voix du chanteur sur scène à qui elle n’avait pas encore véritable porté attention.

i'm a goner

Cosima & Isaac & Mina

Cosima t'a invitée et machinalement t'as dit oui parce que ça te donnait une excuse pour sortir et boire un peu plus. C'est con, mais ces derniers temps t'as pas été toi-même (qui que cette personne soit pour commencer), t'as raté des cours, t'as fait tournées de bars sur tournées de bars, seule ou accompagnée d'ailleurs. Tu fais sans doute n'importe quoi, peu importe. Tu commences à perdre la tête, tant pis. Tu joues la mignonne devant Cosima parce que c'est la partie de toi qu'elle connait, que tout le monde connait, toi comprise. Tu ne sais pas quelle autre partie se cache en toi, ça te fait flipper, ça te triture l'esprit. T'es complétement déboussolée.

En entrant dans le bar, une voix douce prend ton esprit en otage. Obnubilée. C'était comme un appel personnel. C'était comme s'il parlait à ton âme. Tu restes plantée là sans rien dire, sans rien faire, juste à l'écouter pendant quelques instants. T'entends plus rien sauf sa mélodie et sa voix, même la question de ton amie ne te parvient pas aux oreilles. Ce gars, là-bas, sur la scène, il a chopé toute ton attention. Si Cosima n'avait pas été là pour t'entraîner avec elle, tu serais sans doute restée là, jusqu'à ce qu'il arrête de chanter et que tu sortes de ta transe. Elle t'emmène vers des tabourets, tu manques de te casser la figure tellement ton attention est placée ailleurs que sur le fait de devoir poser tes fesses sur une chaise haute. On te demande ce que tu veux boire, tu crois. « Un truc alcoolisé, n'importe quoi, comme toi. » que tu dis distraitement avant de te reconcentrer sur ce chanteur mystérieux. « Je suis contente que tu m'aies invitée ce soir. » Tu te tournes vers ton amie en lui souriant. C'est un sourire sincère, le premier depuis quelques semaines déjà. « Vraiment » que tu ajoutes pour insister sur le point. Cosima, elle te fait penser à toi, enfin, la toi qui ne doutait de rien, la toi qui était gentille et toujours prête à aider les autres. Tu te demandes où elle est passée, cette toi-là, Mina.

J

e sentais des regards lourds sur moi mais je décidais de les ignorer. Quelle idée de se produire devant des gens ? Qu'est-ce que j'allais en sortir ? Je veux pas devenir une star, je veux pas être connu par le monde entier, moi je veux me sentir bien c'est tout. Moi je veux ne pas avoir peur de mon ombre. Moi je veux être quelqu'un de bien. Quelqu'un de normal. Je veux pas qu'on chante mon nom, je veux pas qu'on me saute dessus. J'ai pas le physique du mec cool, j'ai pas la tête du mec cool. Je suis juste Isaac.

« I'm a goner, somebody catch my breath,
I'm a goner, somebody catch my breath,
I want to be known by you,
I want to be known by you »

Mes doigts courraient librement sur ma guitare. Comme heureux d'être libre, comme si le reste de la journée ils étaient emprisonnés dans un cocon. Un cocon malsain. Seul mes doigts semblaient être heureux, j'étais accompagné à la batterie par mon cœur qui résonnait dans mes oreilles. Des frissons remontaient le long de mes bras et je baissais mon regard. Cette musique serait plus belle au piano. Mais tu peux pas promener un piano sous ton bras comme ça Isaac; réfléchit. Et puis maintenant c'est trop tard, maintenant t'es là, maintenant on te regarde. Maintenant on t'écoute.

« Though I'm weak and beaten down,
I'll slip away into this sound,
The ghost of you is close to me,
I'm inside-out, you're underneath. »

Je souris, souriant aux paroles. Souriant à l'ironie. Souriant à ma folie.Tu es quelqu'un Isaac, tu es toi. Mes yeux se dérobent, ils ne veulent pas te relever. Je reprends ma respiration. Mes yeux ne quittent pas mes pieds. Et ce pieds droit ne veut que garder la mesure. Il ne fait rien pour m'aider. Il pourrait ordonner à mes yeux de remonter. Je ferme les yeux et me mort la lèvre. Plus jamais. Plus jamais. Je lève enfin les yeux pour affronter la foule. Encore ?

« I've got two faces, blurry's the one I'm not,
I've got two faces, blurry's the one I'm not,
I need your help to take him out,
I need your help to take him out. »

Les visages sont flous. Certains semblent souriant ? Une femme me regarde vers le bar. Je détourne le regard, fixe une fenêtre. Mon cœur se réchauffe, mon rythme cardiaque redescend. Je laisse mes yeux divaguer au loin. Profite Isaac. Profite de ce moment. Ma jambe droite ne bouge plus. Je prend une inspiration au plus profond de moi et laisse ma voix s'échapper. Bientôt je suis seul. Bientôt la salle est vide. Bientôt la musique prend la place de mes pensées. Libre.

window blues

Cosima avait bien remarqué que la petite blondinette qui n’était autre que son amie était totalement concentrée sur la chanson et le chanteur qui se trouvait sur scène. A vrai dire, ça l’amusait beaucoup, elle se décida donc à la traîner avec elle, et à se renseigner sur la boisson qu’elle souhaitait boire. « Ça marche ! » Après avoir obtenue une réponse de la petite blondinette, Cosima se tourne vers le bar et tente plusieurs fois d’attirer l’attention du barman occupé un peu plus loin. Au bout de quelques longues secondes, il finit par lui faire signe qu’il approchait et l’écrivaine se tourne vers Mina, un large sourire aux lèvres. « Et moi je suis super contente que tu ais acceptée de venir avec moi ! » Elle s’exclame avant de reprendre, « je ne me voyais pas venir ici toute seule, je ne sais même pas si j’aurais été en état de renter de toutes manière, j’ai déjà du mal à me souvenir de comment j’ai réussi à rentrer chez moi la dernière fois… » C’était un peu un paradoxe, Cosima, elle était consciente qu’elle tenait mal l’alcool et pourtant, elle continuait de commander des boissons alcoolisées lorsqu’elle se trouvait en soirée, avec des amis ou même toute seule. Insouciante ? Non, elle n’avait pas juste pas assez de volonté devant les verres d’alcool. Lorsque le serveur se tourne enfin vers elle, elle se penche un peu plus au-dessus du comptoir pour se faire mieux entendre : « Deux mojitos ! ». Il hoche la tête, disparaît préparer des verres et Cosima se tourne une nouvelle fois sur son amie et sur le chanteur sur scène, doté d’une voix magnifique « Il chante vachement bien ! » Elle marque une courte pause amusée « et à ce que je comprends bien, toi aussi tu aimes bien, tu n’as pratiquement pas lâcher du regard la scène ! » Elle cherchait à la taquiner gentiment avant de récupérer leurs verres et de tendre un billet au serveur. « A la tienne », fit-elle en tendant son verre à la blondinette.

i'm a goner

Cosima & Isaac & Mina

Sur le bord de ton tabouret, tu le regardes, ce brun, sur scène. T'écoutes ce qu'il dit, t'avales toutes ses paroles parce qu'elle te parle, profondément. Tu les avales toutes entières, tu les bois. I've got two faces, blurry's the one I'm not. C'est ce que tu ressens, sauf que toi, tu sais pas laquelle tu n'es pas. Ce gars, tu ne le connais même pas, il te parle à toi, à ton âme. Il te comprend vraiment et c'est juste ... dingue. Ça fait des semaines que tu fais n'importe quoi, que tu vas d'un extrême à l'autre en cherchant des réponses, une bouée de sauvetage, un phare qui te ramènera jusqu'au port, n'importe quoi. Tu vogues au gré des vagues, tu te laisses emporter comme un vulgaire bout de chiffon. T'es une poupée de chiffon, abandonnée, qui se souille elle-même en trempant dans des eaux sales. Tu le cherches en même temps, t'essaies de ressentir des choses, d'avoir un déclic. En vain. Tous ce que t'as, c'est des cernes violettes et des gueules de bois, Mina. T'es vide. Vide de sentiment, vide de sens, vide de vie.

Tu souris à Cosima. Si seulement elle savait que toi aussi, t'as du mal à te souvenir de tes soirées parce que tu fais n'importe quoi, que tu bois assez pour quasiment t'évanouir. T'aurais pu te faire tuer, violer ou tu ne sais quelle autre atrocité. T'as plus conscience du danger, tu veux tester tes limites, les dépasser. Au risque de sombrer, tant pis. Tu la regardes commander, en tapotant tes doigts sur tes genoux. Tu t'impatientes déjà, tu le veux, ton verre. Tu veux y tremper tes lèvres, te perdre dans ces saveurs sucrées.
Tu veux te perdre.

Encore une fois, tu souris à ton amie. Encore une fois, elle ne sait pas. Oui, tu n'as pas lâché ce type du regard depuis que vous êtes arrivées. Depuis des semaines, c'est la seule personne qui te comprend. La seule personne qui a l'air de savoir quoi dire sans même que tu n'ouvres la bouche. La seule personne à qui tu aies vraiment envie de parler maintenant. Tu prends le verre qu'on te tend, tu glisses un merci discret avant de trinquer avec ton amie. Et tu finis ton verre, comme ça, d'une traite. Pour ne pas paraître ingrate, tu demandes : « Au fait, comment tu vas depuis la dernière fois qu'on s'est vue ? » Tu colles un sourire doux sur ton visage. Parce que comme d'habitude, tout est dans les apparences.
Mina, la gentille.
Mina, la fille de pasteur.
Mina, la douce.
Mina, ci.
Mina, ça.
Mina en a assez.

J

e suis seul sur scène, seul dans mon appartement, seul dans ma voiture. Personne autour de moi, la dopamine me court dans les veines et je ne pense plus à rien. Ce sentiment précieux de vide, où l'angoisse, le stress disparaissent pour laisser place à la plénitude. Ce court moment où la musique remplit la moindre parcelle de mon corps, de la plante de mes pieds aux pointes de mes cheveux. Je suis là, libre.

« Though I'm weak and beaten down,
I'll slip away into this sound,
The ghost of you is close to me,
I'm inside-out, you're underneath. »

J'ai l'impression que cela dure des heures et des secondes en même temps. Je ne réfléchis plus, comme si j'avais déjà jouée cette musique devant un public des millions de fois. Comme si je travaillais à la chaîne, ce mouvement comme mécanique, répétitif, apaisant mais à l'opposé excitant, vivant. Oui vivant. Comme si je remerciais pour la première fois le fait de vivre. Et si j'étais finalement heureux d'être là, et si la vie méritait d'exister ? Et si finalement je ne mourrais pas le temps d'une chanson ? A postérité, raconter le à tout vos psy, j'existe, je vis. Je vis pleinement dans ce moment, je suis libéré.

« Don't let me be gone.
Don't let me be gone.
Don't let me be gone.
Don't let me be gone.

Don't let me be.
Don't let me be. »

Je ferme les yeux pendants quelques secondes, laissant mon dernier grattement de guitare résonner dans la pièce. Je perds mon souffle et recule du micro. Je souffle un merci, me courbe et sors de la scène en me retenant de courir. Une jeune femme d'une trentaine d'année passe à côté de moi et me sourit doucement. Elle prend ensuite le micro et se met à chanter à son tour à chantonner un vieux blues. Je me retrouve dans les coulisses, ma guitare à la main, l'air hagare. Les coulisses ne sont pas très grandes, une dizaine de mètre carré au grand plus. Je regarde dans le vide et sourit bêtement. Je croise mon regard dans le vieux miroir en face.

Oh putain Isaac, t'es blanc comme un cul. Je souris de plus bel. Je l'ai fait... JE L'AI FAIT ! JE L'AI FUCKING FAIT. PUTAIN ! BORDEL DE CUL ! Je pose ma guitare sur le sol et hoche la tête à mon reflet. Mais d'abord, posons nous. Alors que je cherche une chaise quelque part, un serveur rentre et me fais signe de le suivre dans le bar. Pas le temps de souffler ici ? Je le suis, essuyant mon visage sur une serviette avant, pas question de sortir avec une tête de marathonien. Nous nous retrouvons de nouveau dans le bar et je suis surpris par le pénombre. Vu de la scène, tout avait l'air plus. Plus clair. Je baisse la tête mais remarque avec bonheur que tout le monde regarde la chanteuse. Je soupire.

Me faufilant entre les personnes au bar, j'attrape la bière qu'il me pose. Enfin. J'attrape. J'essaye ? Ma main se dirige vers le bar mais je me rend compte trop tardivement que mon corps tremble entièrement, réalisant le pic d'adrénaline qu'il venait de subir. Je réalise lentement. J'étais là-bas, c'était moi qui chantait, c'était moi que les gens regardaient. C'était moi. Je deviens livide. Ma bière s'éclaboussent sur le bar et plus particulièrement sur une jeune femme. « Je... Je... Désolé ! » Je lève le regard vers elle et devient instantanément rouge comme une tomate. Ohmondieu.

window blues

Mina, c’est un prénom qu’elle a toujours trouvée très beau. Mina, l’écrivaine la trouve incroyablement gentille ; elle est d’ailleurs persuadée de n’avoir jamais rencontrée quelqu’un comme elle : aussi gentille, aussi douce, possédant une bonté d’âme aussi belle. Mais Cosima est consciente qu’elle ne se connaissent pas encore assez bien. Elle est consciente que, son amie lui cache peut-être beaucoup de chose, mais elle s’en fiche. Cosima n’est pas ici pour la juger, et ce soir, elle n’est pas là non plus pour se poser des questions. Elle est ici, avec elle pour profiter d’une soirée entre amie, se détendre et oublier le train-train quotidien. Oublier son livre qui avance terriblement lentement, ces premières pages griffonnées de mots et de phrases qui ne la persuadent pas. Oublier, que son travail commence à l’ennuyer, qu’elle n’a pas de nouvelle depuis trop longtemps de son ami avec qui l’impardonnable aurait pu se passer si elle n’avait pas réagi à l’entente du mot « mariage ». Oublier à quel point elle peut être idiote des fois. Oublier tout, qu’elles ne soient plus que deux, juste Cosima et Mina, en train de passer une bonne soirée. Elle glisse ta paille dans sa bouche et Cosima déguste les premières gorgées de sa boisson avant de lever les yeux vers la blondinette qui sembles avoir légèrement décrochée du chanteur. « Oh ouais, ça va et toi ? Tu sais, la routine de tous les jours quoi… » Elle n’a pas le temps de terminer sa phrase, de parler de tout et de rien, d’hausser les épaules car un soudain liquide vient se répandre sur son interlocutrice. Elle ouvre les yeux sous la surprise, laisse ses lèvres s’entre-ouvrir et observe le propriétaire du verre maintenant presque vide. Oh ! Le chanteur qui avait accaparé l’attention de Mina lors de leurs entrées dans le bar était maintenant debout près d’elle, gêné. Cette fois, l’auteur laisse un sourire apparaître sur son visage. Si ça ce n’est pas le destin ! « Mina, ça va ? » Elle demande quand même en ayant du mal à retenir son sourire amusé. Elle a du mal à se contenir, mais elle a posé son verre sur la table et attend la réaction de la jolie blondinette. « Va sûrement falloir te changer là, parce que là … Tu risques de ... Bien sentir l’alcool jusqu'à la fin de la soirée ? »

i'm a goner

Cosima & Isaac & Mina

Il se lève et te quitte. Ou plutôt, il quitte la scène, mais c'est du pareil au même. T'es déçue qu'il n'ait pas chanté plus, qu'il ne soit pas resté plus longtemps. C'est un peu stupide, tu ne le connais même pas, ce gars. Ca se trouve, ce n'est même pas lui qui a écrit ces textes et toi, tu tombe dedans comme une débutante. T'es toujours autant naïve, Mina. S'il y a quelque chose qui n'a pas changé, c'est bien ça. Mais t'as pas t'en empêcher. Pendant ces quelques minutes, t'as eu l'impression d'être connectée à ce jeune homme, vraiment. Mais tu te fais sans doute des idées, t'es plus très bien dans ta tête, ces derniers temps. Tu penses n'importe quoi.

Tu recentres ton attention sur ton amie. A peine as-tu entendu la réponse de Cosima que tu peux sentir un liquide glacé se répandre sur toi. Tu ouvres la bouche, surprise, tu lâches un cri en sautant ton tabouret, comme électrocutée. Les bras à une trentaine de centimètres de ton corps, tes doigts gouttent sur le sol. Tout comme ton t-shirt qui est trempé. Tu restes plantée là sans savoir quoi dire ou quoi faire. Tu relèves la tête vers Cosima qui tente de cacher son sourire. « Euh, oui, ça va. Juste un peu ... mouillée, je suppose. » Tu secoues tes mains pour retirer l'excès de liquide, ne sachant pas où trouver une serviette ou un mouchoir. Tu te contentes d'essorer ton pauvre t-shirt. Tu te retournes, ensuite, pour voir l'auteur de cette mauvaise farce. « Oh ... », c'est le seul son qui sort de ta bouche quand tu vois de qui il s'agit. C'est le chanteur qui se tient devant toi. Celui qui vient de te quitter, enfin de quitter la scène. Il a l'air tellement mal à l'aise que tu ne dis rien. Tu te contentes d'un petit sourire mi-sincère, mi-ennuyée. « Oui, je devrais sans doute me changer, mais figure-toi, que je me promène rarement avec des vêtements de rechange sur moi. » Tu fais la moue comme une enfant. « Je crois que je vais simplement devoir me faire à l'idée d'être une pinte de bière géante, ce soir. » Et à l'intention du brun, tu rajoutes : « Ne vous en faites, c'est ... ce n'est pas grave. » T'es pas tellement convaincue par le ton de ta voix, mais tu ne sais pas vraiment quoi faire coincée, là, dans ce petit bar, complètement recouverte du liquide. Tu cherches des yeux de quoi t'éponger, en vain. « Est-ce que quelqu'un aurait, au moins, un mouchoir ? »

L

e temps se déroulait au ralenti autour de moi, doit-on rajouter boulet à ta longue liste de qualité Isaac ? Je voulais me fondre à la foule, écouter tranquillement la chanteuse, retrouver peut-être des amis puis partir. Enfin, je voulais tout sauf renverser la moitié de ma pinte sur une jeune femme qui n'avait rien demandé. Maintenant que je regardais un peu mieux, elle ressemblait à celle qui me regardait vers le bar quand je chantais. Double affiche, bravo Isaac, bravo. « Mina, ça va ? » Toujours rouge comme une tomate, je pivotais tel un robot vers celle qui avait parlé. Dis rien Isaac, ça serait dommage quand même... « Euh, oui, ça va. Juste un peu ... mouillée, je suppose. » Bon, on dirait qu'elle va pas te tuer tout de suite, c'est une bonne nouvelle non ?

Et si je cours très vite dehors, on va m'en vouloir ? Oh, elle me regarde. Ohmondieu, ses yeux sont magnifiques. Mais ta gueule Isaac, t'as que ça a pensé ? Tu viens de lui gâcher la soirée. « Va sûrement falloir te changer là, parce que là … Tu risques de ... Bien sentir l’alcool jusqu'à la fin de la soirée ? » J'essaye d'ouvrir la bouche pour intervenir mais je n'eu pas le temps. « Oui, je devrais sans doute me changer, mais figure-toi, que je me promène rarement avec des vêtements de rechange sur moi. Je crois que je vais simplement devoir me faire à l'idée d'être une pinte de bière géante, ce soir. Ne vous en faites, c'est ... ce n'est pas grave. » Et je reste là, la bouche mi ouverte. Trop d'information d'un coup, je crois que je vais me transformer en statue. « C'était de la blonde. La brune ça aurait tachée. Heureusement que c'était de la blonde. » Sérieusement, j'ai que ça a dire ? Mais c'est la pire remarque que j'ai jamais entendu.

Si Alex aurait été là, il aurait prit une pelle et aurait commencé à creuser ma tombe. Et profonde la tombe. Et je l'aurai mérité. Du coup je fuis le regard de la femme. Quoique c'est dommage, elle avait vraiment des beaux yeux. « Est-ce que quelqu'un aurait, au moins, un mouchoir ? » Je replonge mon regard dans le sien, ouvrant de nouveau la bouche comme un semi débile. « Oui vous êtes mouillée. » Sherlock sortez de ce corps. Je cherche du regard le serveur mais il est trop occupé à virevolter avec ses shakers. « Vous... vous voulez mon tshirt ? » J'essaye de sourire mais j'ai l'impression d'être un de ces robots père noël. Je réfléchis. Attends, elle en veut pas de ton tshirt. « Pas celui là hein. J'en ai un autre dans les coulisses. » On lui dira pas qu'il est noir, moche avec des lutins bleus dessus. Non, on lui dira pas.

window blues

La scène était plutôt amusante, enfin, amusante seulement dans les yeux Cosima. Mina de son côté avait l’air particulièrement ennuyée de retrouver une moitié de peinte sur son jolie haut, alors que de l’autre côté le jeune chanteur à la voix magnifique avait plutôt l’air gêné de la situation. La jeune auteur était d’ailleurs prête à laisser Mina au bar en compagnie de celui qu’elle a tant observé le temps d’aller lui chercher un t-shirt propre pour qu’elle n’ait pas à sentir la bière de toute la soirée. Après tout, la soirée venait à peine de commencer, Mina n’allait quand même pas sentir la bière toute la nuit ? Surtout qu’elles n’allaient surement pas rentrer tôt. Oh, non, elles étaient là pour profiter, alors elles devaient profiter. « Ouais, heureusement que c’était de la blonde ! Et puis une bière blonde pour une jolie blonde, c’est parfait ! » Cosima était bien consciente qu’elle devrait plutôt fermer sa bouche, que le chanteur pourrait mal le prendre, mais son sourire amicale était censé lui montrer qu’il n’y avait rien de méchant dans sa remarque ; elle se moquait gentiment de sa soudaine gène. Et puis, elle trouvait la situation amusante, elle n’avait aucune raison d’être méchante avec lui. Il ne l’avait pas fait exprès et les accidents arrivent à tout le monde ; elle aurait très bien pu se retrouver à sa place, avec un verre à moitié pleins entre les mains. Elle se tourne suite de nouveau vers la jolie Mina. « T’inquiètes, on va te trouver de quoi te changer. » Elle adresse ensuite à Mina, certaine. De toute façon, comme elle n’avait pas encore assez bu pour ne plus savoir ce qu’elle fait, elle pouvait bien disparaître quelques minutes pour un morceau de tissus tout propre. « La prochaine fois, un conseil, prends avec toi avec des affaires de rechange ! » Un clin d’œil amusé ; oui Cosima devait être la seule que cette situation amusait. Elle fouille soudainement dans son sac à la recherche d’un paquet de mouchoir pour le tendre à son amie qui allait sans doute essayer d’éponger la bière en vain. Lorsque le chanteur propose son t-shirt à Mina, Cosima est la première à réagir en affichant un grand sourire. « Mais quelle bonne idée ! Au moins je n’aurais pas besoin de faire un aller-retour et Mina ne sentira pas la bière toute la soirée… » Et puis, vu comment la blondinette le regardait sur scène, ça lui fera une occasion de le revoir pour lui rendre son-shirt ou de le garder en souvenir, ne sait-on jamais.

i'm a goner

Cosima & Isaac & Mina

Ca t'agace. Tu sais que tu as dit que ce n'était rien, mais ça te fait chier. Deux fois qu'on te renverse des liquides dessus ces derniers temps, à croire que les gens te prennent pour une poubelle. En même temps, comment leur en vouloir, Mina ? Tu sais très bien que ces derniers jours en particulier, t'étais prête à n'importe quoi, même à te retrouver dans le lit d'un inconnu pour la peine. Dans ta tête, y a un truc qui a bugué, tu crois. Y a plus rien qui rime à rien, y a plus rien qui a de sens. Tu te laisses porter au gré du vent pour te retrouver souvent avec une gueule de bois monstre. C'est devenu ta nouvelle routine, ton nouveau quotidien. Si tes parents pouvaient te voir, si ton quartier pouvait te voir. Tu aurais déjà perdu le titre de la gentille fille du pasteur. C'est peut-être pour ça, au final, que tu fais tout ça. Pour te débarrasser de ce titre. Mais pourquoi ? Ça n'a pas de sens non plus. Comme tout le reste.

Le brun fait une remarque sur la bière. Tu le dévisages en fronçant les sourcils. Ah ... C'est sur lui que tu étais en totale admiration tout à l'heure ? T'as un doute. Cosima en rajoute une couche. Il va te falloir un verre, c'est pas possible. Ton amie a l'air de trouver ça drôle. T'aurais aimé que ça lui arrive à elle, pour voir, si elle rigolait toujours. Oui, t'es rancunière, Mina, encore une mauvaise facette de toi. Ton père t'a déjà répété de mainte fois que tu devais pardonner ton prochain. Tu faisais un travail là-dessus, avant. Avant quoi ? Avant de devenir complètement cinglée et de foutre ta vie en l'air comme si tu allais mourir demain. Tu vis un peu, Mina. Ou en tout cas, tu vis comme certains pensent que tu devrais vivre. Mais cette vie-là n'a pas de sens non plus.

Si tu étais Scott Summers, tu aurais déjà désintégrée Cosima avec tes yeux. Si t'étais Pikachu, tu l'aurais grillée avec une attaque éclair. Si tu étais Ron Weasley (avec une bonne baguette), tu lui aurais jeté le sort de crache-limaces. Sauf t'es que t'es juste Mina, donc tu lèves juste les yeux. C'est tout ce que tu peux faire. « J'aimerai bien t'y voir, toi à ma place, Cosima ! » T'essaies de ne pas trop paraître ennuyée pour ne pas trop casser l'ambiance, mais pourtant tu l'es. Oh oui, tu l'es tellement. Tu fais la moue comme une enfant. Parce que c'est ce que tu es, au fond, une enfant gâtée capricieuse qui refuse qu'on lui fasse quelques commentaires sur son comportement. T'aimerais revenir en arrière, faire en sorte que ces paroles n'aient pas autant d'influences dans ta vie d'aujourd'hui. Mais c'est trop tard, certains de tes amis proches l'ont déjà remarqué. T'es plus toi. T'es personne.

« Oui, ça serait gentil, merci. » Tu feins un sourire. Il doit être tellement faux que même les Marsiens ont du comprendre que tu n'étais pas dans ton état le plus joyeux. Tu tapes dans tes mains. « Bon, ça m'a donné soif, qui veut un verre ? » Tu te tournes vers le petit brun qui te faisait tellement d'effet, il y a quelque minute à peine. « Monsieur le chanteur, vous nous payez un verre ? » Tu bats des cils avec ta voix qui est soudainement mielleuse. « Pour vous faire pardonner ? » Toi, profiter de la situation ? JA-MAIS.

J

e ne comprend pas tout à fait d'où vient ma peur des femmes, ma peur de l'inconnu et toutes ses petites peurs parasitaires. J'ai peur de l'inconnu, ok, pourquoi pas, ça arrive. Mais peur des femmes ? Dieu, elles ne m'ont pourtant rien fait de particulier. Je n'ai jamais été agressé par elles, ma mère a toujours été correct avec moi. Ça doit être mon côté pas aidé dans la vie. Mon côté tu ne porteras pas un seul fardeau avec toi dans la vie. Mon côté tu essaies de leur parler et tu dis de la grosse merde. Vraiment Isaac, tu mérites une médaille des fois. Et pourtant, celle que je n'avais pas trempée semblait essayer de... m'aider ? Ou de m'enfoncer ? C'est peut-être une sorte de private joke et je ne comprend pas tout. Sûrement. Elle sourit. Et merde.

« Mais quelle bonne idée ! Au moins je n’aurais pas besoin de faire un aller-retour et Mina ne sentira pas la bière toute la soirée… » Ah, je me sens presque rassuré. Au moins je n'aurais pas enchaîner que des boulettes. La musique diminue et je jette un coup d’œil sur la scène. La chanteuse vient de finir sa première chanson. Elle était vraiment douée. Et vu qu'elle était douée, elle faisait tout le reste de la soirée. Moi j'étais un peu comme cet apéro pas cher qu'on mettait en premier pour faire comme les grands. Moi, j'étais ces chips de marques de supermarché, l'emballage sans couleurs incroyables. J'étais cheap, j'étais low cost. Adrianna, la chanteuse, elle c'était la sirène de la soirée, les mecs la lorgnaient tous, la bave coulant. Moi j'étais celui qui avait réussit à descendre de la scène sans qu'on le remarque.

Quelque chose dans cette réflexion me rassurait, étrangement. « Oui, ça serait gentil, merci. » Je reporte mon attention sur les deux femmes. Je lui souris tout aussi naturellement qu'elle. Je m’apprêtais à courir me cacher en coulisse et chercher le tshirt lorsqu'elle enchaîna. « Bon, ça m'a donné soif, qui veut un verre ? » Elle me regarde, je sursaute. C'est possible de trouver le plus petit trou de souris pour moi s'il vous plait ? «Monsieur le chanteur, vous nous payez un verre ? Pour vous faire pardonner ? » Je crois que je vais me faire pipi dessus. Vraiment, littéralement. Adieu monde cruel cette femme vient de me planter un pic dans le cœur. Alex, help ?

Je recule d'un pas, déboussolé, surement encore rouge comme une tomate et lance un regard au serveur qui semble soudainement de nouveau disponible lorsqu'il a entendu que j'offrais à boire. « Hm.. Hm... An-andrew, tu peux leur servir ce qu'elle veule ? Et une autre bière pour moi, je reviens. » J'ai du perdre quinze kilos de sueur en deux secondes. Je les regarde en ouvrant la bouche comme un débile. Il faut parler. Allo Isaac. Il faut communiquer. « Je...Tshirt ? » Je m'enfuis sans les regarder, je trace ma route en direction des coulisses.

En route je me fais arrêter par un groupe de personnes qui me félicite mais ma tête ne produit que des acouphènes. Je les remercie rapidement et m'enfuis. Un tshirt, un tshirt. Je fouille dans mes affaires. Dieu merci, je sais que tu n'existes pas, mais merci quand même. Ce n'est pas mon tshirt moche. Mais juste un tshirt noir simple, sans rien dessus. Je l'attrape et prend une grande respiration. Je suis sur que mon coeur doit battre au dessus de la limite autorisé. Je serre si fort le tshirt dans ma main que je me demande s'il va exploser. Ou imploser. La nuance est fine. Il faut lui donner. Il faut sortir de cette pièce Isaac. Non. Aie. Non. Si ?

Je sors, me retrouvant de nouveau dans le brouhaha et me pose sérieusement la question d'où sont-elles ? Comme un de ces vieux films romantiques, j'aperçois ma pauvre victime au bar et s'approche en regardant mes pieds. De nouveau vers elles, je lui tends le tshirt. « Tiens. Tu peux te changer dans les coulisses si tu veux. » Et j'attrape ma bière avant de boire la plus grande gorgée de ma vie. Courage.

window blues

La rencontre d’un verre d’alcool et d’un t-shirt et voilà où en est le trio près du bar. Des excuses et des boutades lancées à l’aveuglette. Les quelques regards qui s’étaient intéressés à la scène sont maintenant concentré sur la chanteuse qui occupe la scène de sa voix et de présence. Plus personne ne fait attention à eux, à la réaction de la concernée, le t-shirt trempé d’un alcool très odorant. Cosima ne sait pas vraiment comment elle aurait réagi si leurs places avaient été inversées, si elle avait été la cible de se verre à moitié pleins, à présent. Cela aurait sans doute dépendu de son état d’esprit ; de son humeur. Si elle avait passé une mauvaise journée, au travail comme dans sa vie personnelle, elle aurait réagi comme Mina, voire peut-être pire. Elle aurait fait la moue, elle aurait envoyé sévèrement boulet la première personne qui se serait moquée d’elle. Mais elle avait passé une bonne journée, elle aurait sans doute juste excusée le propriétaire du verre et elle aurait tiré la langue aux personnes qui se moquaient d’elle. Cosima a parfois de plus en plus de mal à taire la part sombre qui habite dans un coin de sa poitrine, et peut-être qu’un cause d’un verre, si leurs rôles avaient été inversée, elle aurait laissé parler une part de colère, par contre eux, mais contre elle-même. Parce que c’est un peu ce qu’elle est, Cosima en colère contre sa propre personne. « Pardon, Mina, mais avoue que la scène est plutôt drôle vu de l’extérieur ! » Elle se justifie avec un sourire aux lèvres. Il n’est plus question de réfléchir à ce qui se serait passé si c’était Cosima qui aurait dû essuyer le contenu du verre ; mais du moment présent. Elle ressent bien l’agacement de la blonde à travers ces quelques mots, c’est d’ailleurs pour cette raison que l’auteur s’est excusé avant de se justifier, mais elle ne comptait pas arrêter de sourire d’amusement. « Une Tequila Sun-Rise pour moi, Andrew ! » Elle demande au serveur prénommé Andrew, à qui vient de s’adresser le jeune chanteur avant de disparaitre surement pour aller chercher un t-shirt. « T’as assurée, Mina grâce à toi on a une tournée gratuite ! Mais il a pas l’air très loquace quand même. » Le serveur ne met pas longtemps à leur servir leur verre et Cosima attrape tout de suite le siens pour commencer à siroter la boisson faiblement alcoolisée. « Merci pour ça ! » Elle dit au chanteur lorsque celui-ci réapparaît avec un bout de tissus sombre entre les mains. L’auteur commence alors à guetter la réaction de son amie, lorsque la source de la bière renversée se présente de nouveau face à elles tout gêné une fois encore.

i'm a goner

Cosima & Isaac & Mina

Toutes ces histoires, tous ces derniers jours, ça a fait ressortir ce qu'il y a de plus mauvais, ce qu'il y a de plus malsain en toi. T'es plus aussi sympathique, plus aussi généreuse, plus aussi serviable. T'es plus rien, Mina. Tes pensées vont de ce que tu vas manger à quand est-ce que tu vas commencer à boire. Tu penses qu'à force, on peut te considérer comme une véritable alcoolique. Tu bois à en vomir. Vomir tes pensées, tes émotions, tout oublier.

T'es complètement chamboulée. Traumatisée même par les paroles des autres qui te font douter. Tu voudrais que ça cesse maintenant. Avoir constamment la gueule de bois, être grincheuse tout le temps, c'est fatiguant. Tu sais que c'est pas toi non plus. Mais tu sais, ou en tout cas tu le penses, que l'ancienne toi, c'était pas toi non plus. Plus t'y penses, plus t'as envie de boire. T'as pas envie de croire que pendant plus de vingt ans, t'as pas été toi-même. Peut-être que les autres n'ont pas tort, peut-être que t'as juste suivi des ordres sans réfléchir plus loin parce que t'es une jeune fille naïve et complètement stupide, Mina. Peut-être que tu ne vaux pas mieux que tous les crétins que tu draguais juste pour une soirée.

Le fait qu'on te renverse des choses dessus, ça n'arrange pas ton humeur. T'as cru qu'il te comprenait, ce chanteur. Tu pensais qu'il te parlait, rien à qu'à toi et à toi uniquement. Tu te fais des idées à la con, Mina. Tu vis en Enfer enchanté apparemment où tu crois que quelqu'un va arriver à te sauver. Sauf qu'il y a personne. Il n'y a personne qui comprend ta détresse parce que comme d'habitude, tu joues un rôle. Cette fois-ci, tu joues la fille heureuse dans le meilleur des mondes. Alors qu'en réalité, t'as l'impression que le ciel te tombe dessus.

Tu dévisages Cosima pendant une seconde. Tu ne devrais pas lui en vouloir. Cet incident n'est en aucun cas sa faute et elle ne peut pas être au courant de tes problèmes si tu ne lui en parles pas. Tu ne comptes pas le faire, d'ailleurs. Tu n'es pas sûre qu'elle comprendrait. Tu n'es pas sûre que quiconque en soit capable, en fait. Puis, en vérité, Cosima est bien trop gentille. Tu n'as pas envie de l'ennuyer avec tes histoires de perte d'identité. Elle te prendrait pour une enfant. C'est peut-être parce que c'est ce que t'es, au fond. Tu en sais pas pourquoi tu te voiles encore la face, Mina. T'es une sale gamine, y a pas photo.

« Un mojito pour moi. » Tu souris à Cosima qui te félicite. « Faut bien voir le côté positif de la situation. » Ah, comme si t'avais encore une once de positivité en toi, Mina. Tu ne peux juste pas sortir de ton rôle maintenant. Tu attendras d'être chez toi pour craquer, pour te laisser aller, pour pleurer. Maintenant, tu souris joyeusement à ton amie qui est là pour passer une bonne soirée. Ce n'est pas dans ton but de la lui gâcher. « C'est vrai, il a l'air fort timide, en fait. Je crois que tu dois lui faire de l'effet, Cosima ! » C'est vrai que le brun n'a pas l'air à l'aise en votre présence. Le regard fuyant, les bégaiements, son attitude général. Ce type n'a clairement pas envie d'être avec vous. « D'ailleurs, en parlant du loup. Il est de retour. » Un t-shirt noir à la main que tu saisis bien vite. Tu fais un signe à ton amie en commençant à te déplacer vers le fond du bar. « Je vous laisse bavarder et faire plus amples connaissances pendant que je vais me changer. » Et en te tournant vers le chanteur tu ajoutes : « Merci. » Un petit sourire en plus. Un vrai, cette fois, enfin, tu crois.

J

e le regarde sans rien dire. La bière à la main, je suis spectateur, incapable de rajouter quelque chose. Je ne suis plus acteur de ma propre vie. J'ai donné le tshirt, j'ai effectué ma mission. Je suis désormais de nouveau inutile, j'ai envie de reculer, j'ai envie de partir. M'enfuir, les laisser. Récupérer ma guitare et mes mauvaises pensées. Je ne sais pas où j'irais. Sûrement pas chez moi, ça finirait en bain de sang. Je ferais le tour de la ville jusqu'à que mon cœur se calme. Jusqu'à que mon esprit se vide. Jusqu'à que cette petite voix se taise. Mais elle ne voulait pas se taire. Elle était là. Puissante, vivante.

Ma petite malédiction.

« Merci pour ça ! » J'essaye de sourire. Je lache le tshirt comme s'il était en feu lorsque la femme l'attrape. Je détourne le regard et voit Andrew me faire un clin d'oeil plus loin. Andrew il a part encore compris qui j'étais. Je lui ai parlé une fois pendant une dizaine de minutes. Il en est ressortit qu'il pensait que j'étais quelqu'un qui avait pleinement confiance en lui - haha -, qui jouait de la guitare pour les filles - haha - et qui choppait tous les soirs. Dernier et final haha. Les gens sont drôles. Les clichés sont drôles. Si Andrew savait à quel point j'étais un looser. Si seulement il savait que j'avais envie de partir en courant. Je reprend une gorgée de bière.

« Je vous laisse bavarder et faire plus amples connaissances pendant que je vais me changer. » Bavarder ? Bavarder ? Je dis quoi ? Bonjour, bonsoir ? Je vous connais pas mais si on parlait du beau temps dehors ? Il fait beau, il fait chaud, c'est ouf vous croyez pas ? Oh oui, je chante comme ça. Ma chanson aujourd'hui ? Ah, les paroles ? Ah oui, j'ai beaucoup de problème dans ma tête mais ne vous inquiétez pas. Ah trop tard, vous êtes partie. Je sais même plus à qui faut que je lance un regard de désespoir pour qu'on vienne m'aider. Je me demande si je peux actionner l'alarme incendie pour pouvoir partir discrètement ? Pourquoi je suis venu au bar déjà ? « Merci. »

Je vais vomir. Elle a sourit. Elle. a. sourit. A moi. Mon dieu, il va falloir que je bois beaucoup pour lui répondre. Étrangement, une fois partie, je me sens un peu mieux. Moins stressé, moins angoissé en sachant qu'elle me regardait et me jugeait. Sûrement car je lui ai renversé de l'alcool sur son tshirt. « Je... J-je suis encore désolé pour votre amie. » Je tripote mon verre en me faisant violence. Parle bordel de cul. « Adriana chante vraiment bien... Vous êtes venue la voir ? »

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